Une œuvre rarissime acquise par le Louvre, Vic le Comte indemnisée
Le musée du Louvre vient de réaliser l’acquisition d’un exceptionnel panneau attribué au peintre primitif français Jean Malouel (1370-1415) dont ne sont conservées à ce jour que deux uniques autres œuvres, La Vierge aux papillons (1412) de la Gemäldegalerie de Berlin, et La Grande Pietà ronde (vers 1400) du Louvre.
Son certificat d’exportation ayant été refusé à son propriétaire, un brocanteur, par arrêté ministériel publié au Journal Officiel du 8 juin 2010, ce tableau a pu être acquis par le musée, pour 7,8 M€ avec le concours d’un mécène. La commune de Vic-le-Comte a reçu une indemnité de 2 300 000 €.
Quel fut le lien de Malouel avec Vic le Comte ?
Un bref retour en arrière : le duc Jehan de Berry, oncle du roi Charles VI fut l’époux de l’une des filles du comte d’Auvergne. En 1390, il fit reconstruire le château de Vic le Comte. Il aurait également commandé alors l’œuvre en question à Jean Malouel, pionnier de l’art français formé aux Pays-Bas et peintre officiel de son frère Philippe le Hardi, duc de Bourgogne.
La commune a vécu ensuite l’une de ses belles époques, à l’image du Comté d’Auvergne, duquel elle était la capitale. Entre 1520 et 1524, Jean Stuart, époux d’Anne de la Tour, l’une des dernières descendantes des comtes d’Auvergne, fit construire la Sainte-Chapelle, joyau de la Renaissance. Cet édifice fut érigé sur les fondations de l’ancienne chapelle du château. On peut donc penser que le panneau a figuré à la Sainte-Chapelle, à la chapelle du château ou encore à l’église paroissiale.
Comment a débuté cette histoire ?
En 1985, un brocanteur fait l’acquisition auprès du curé de Vic le Comte, d’un lot d’objets comprenant notamment une grossière peinture (18ème ou 19ème siècle) représentant la Vierge et Saint-Jean l’Evangéliste soutenant le Christ mort. Le brocanteur vend les moulures pour lesquelles il avait acheté ce tableau et quelques mois après, il fait restaurer le panneau central. C’est alors qu’est découverte une œuvre ancienne apparaissant sous la 1ère couche de peinture. En 1999, le brocanteur présente le tableau au Département des Peintures du musée du Louvre, lequel confirme l’attribution à Malouel. Ainsi commence une longue période de recherches…
Les détails de l’étonnante histoire de la découverte de cette œuvre ainsi que les conditions exemplaires de son acquisition méritent d’être connues… (Voir ci-joint, en détails)
Christ de pitié soutenu par Saint Jean, du peintre Jean Malouel.
Une démarche transparente
Au terme de recherches très poussées sur l’historique et la provenance de l’œuvre, menées par le musée du Louvre avec le concours de la DRAC Auvergne, il existe une forte présomption d’appartenance du panneau à la commune, sans pouvoir toutefois démontrer de manière certaine son droit de propriété sur un objet dont elle n’est pas en possession. Il faut en effet préciser que l’inventaire réalisé le 26 janvier 1906, dans le cadre de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat ayant donné propriété des biens garnissant les édifices du culte aux communes, est très imprécis. Il répertorie comme étant propriétés de la commune le presbytère et les meubles meublants, mais également l’église paroissiale et l’église Saint-Jean, ainsi que différents objets d’art garnissant ces deux églises. Cependant, le panneau est décrit dans un inventaire plus détaillé, réalisé en 1952 par le chanoine Craplet, alors conservateur des antiquités et objets d’art du Puy-de-Dôme… Mais, selon l’article 2276 du code civil, « En fait de meubles, la possession vaut titre », ce qui fait du brocanteur l’unique propriétaire du tableau.
M. le maire, informé en 2009 par les Services de la DRAC, rencontre à plusieurs reprises la direction du Louvre dans le cadre d’une longue négociation, assisté de Maître Claude Devès, conseil de la commune. L’Etat et le musée du Louvre souhaitaient également agir en toute transparence vis-à-vis de la commune. C’est ainsi que le principe d’une transaction est décidé d’un commun accord, permettant à la commune de percevoir une indemnité transactionnelle de 2 300 000 € en échange d’une renonciation à toute revendication de propriété sur l’œuvre.
Le Conseil municipal, convoqué à cet effet par M. le maire, le 25 octobre 2011, décide à l’unanimité de ses membres, en présence de Mme Vincent Anne, directrice du service des acquisitions du Louvre, Monsieur Pomarède Vincent, directeur du département des peintures du Louvre, et Maître Devès avocat de la commune pour cette affaire, d’accepter cette transaction (ci-joint, le procès-verbal de la séance du Conseil municipal).
La délibération devenue exécutoire, la vente du tableau au Louvre et le versement de l’indemnité à la commune de Vic-le-Comte ont pu se dérouler. Le musée du Louvre annonce officiellement la nouvelle le vendredi 13 janvier 2012.
Le mot de Roland Blanchet, Maire de Vic le Comte, sur le sujet
Une bonne nouvelle pour les Vicomtois ! L’acquisition d’un tableau attribué à Jean Malouel par le musée du Louvre a entraîné comme vous le savez, le versement d’une indemnité de 2,3 millions d’euros. C’est une somme non négligeable pour la commune mais qui doit être cependant relativisée si l’on considère qu’elle représente moins de la moitié du budget de fonctionnement annuel (il a été de 5,4 millions d’euros en 2012).
Par ailleurs, Vic le Comte voit sa population s’accroître régulièrement, et les besoins en équipements augmentent également : aménagement de la voirie et des espaces publics, réseaux d’assainissement, création de nouveaux logements… De grands projets ont été réalisés, qui ont mobilisé des moyens financiers importants, comme la restructuration de l’école primaire Jacques Prévert (2 millions d’euros), ou la mise en accessibilité pour tout public du complexe sportif André Boste et la construction de la salle de gymnastique (1,5 million d’euros). Malgré les subventions, la commune aurait dû recourir à l’emprunt pour réaliser ces travaux.
Grâce à cette indemnité, il n’a pas été nécessaire d’emprunter et la dette a été réduite, redonnant ainsi des marges à notre budget sans augmenter les impôts.
Dans une période difficile pour les collectivités locales où leurs dépenses obligatoires augmentent plus vite que leurs recettes, diminuant ainsi leur capacité à investir et à maintenir la qualité des services publics, Vic-le-Comte a eu la chance d’envisager cette période avec davantage de sérénité.
Le tableau de Jean Malouel a subi une restauration avant son exposition au Louvre dans la Galerie Richelieu. Exposé au regard des visiteurs du monde entier, il fait honneur à Vic le Comte puisqu’il porte l’indication de sa provenance.
Le Conseil municipal a par ailleurs souhaité qu’une copie soit réalisée, afin que les Vicomtois puissent également contempler l'oeuvre ; elle est exposée à la Sainte-Chapelle.
Conseil municipal du 25/10/2011, pendant lequel Madame Anne Vincent, directrice du service des acquisitions du Louvre,
Monsieur Vincent Pomarède, directeur du Département des Peintures du Louvre, et Maître Devès, avocat de la commune
pour cette affaire, sont intervenus.
Une reproduction du Christ de pitié soutenu par Saint Jean, du peintre Jean Malouel, installée à la Sainte-Chapelle.